Printemps 1901 : dans une Algérie que l’on pensait « pacifiée », une révolte de travailleurs « indigènes » prend une ampleur nationale en métropole.
Le 26 avril, une dizaine de paysans prennent en chasse un fonctionnaire responsable local, le caïd du douar d'Adélia, qui avait dénoncé à ses supérieurs leur projet d'organiser un pèlerinage - en avançant que leur volonté était en réalité de rejoindre Bouamma, dirigeant insurrectionnel. Le groupe de paysans, grossissant, rejoint le village de Margueritte ; cinq Européens sont tués, et plusieurs autres sont blessés. L'insurrection dure 8 heures, et la réponse est immédiate : le soir même une compagnie de tirailleurs est envoyée de la ville voisine : 125 suspects sont emprisonnés. Les accusés sont jugés en 1902 en métropole, à Montpellier.
L’insurrection produit des débats passionnés, des lectures diverses, la presse posant une question centrale : est-ce que le modèle de la colonisation algérienne peut perdurer ? Dans un début de siècle où les débats sont déjà installés sur les modèles de colonisation, l'affaire de la révolte de Margueritte permet d'aborder les mots utilisés pour parler de l'Algérie dans la presse, et les différentes lignes de front sur le sujet de la colonisation au travers d'une presse variée (presse métropolitaine, presse française en Algérie et presse arabophone).
Les événements de Margueritte - moins connus que les insurrections qui les ont précédées et que la période de la guerre d'Algérie - reflètent la consolidation d’une République qui cherche à bâtir sa propre mythologie, les conséquences de troubles qui remontent aux années 1870-1880, mais surtout les contradictions d’un modèle colonial, basé sur la violence et l’exploitation.
Intervenants
- Jennifer Sessions, professeure d’histoire à l’université de Virginie, spécialiste de la colonisation en Algérie au XIXe siècle. Son premier ouvrage By Sword and Plow: France and the Conquest of Algeria est paru en 2011 aux éditions de l’Université de Cornell.
- Arthur Asseraf, maître de conférences en histoire de la France et du monde francophone à l’université de Cambridge, spécialiste de l’histoire de la colonisation et de la presse, notamment auteur de Electric News in colonial Algeria.