« Des parents dénaturés », « couple monstrueux », « mères marâtres » : en 1891, les rubriques faits-divers rivalisent de superlatifs pour évoquer l’affaire Borlet et le traitement réservé à la petite Adolphine. Mais si certains se risquent à quelques allusions au « bas ventre » de la fillette, jamais le mot « inceste » n’est prononcé. Comment interpréter ce silence ? Et comment expliquer que l’affaire ne soit alors traitée que sous l’angle des sévices physiques infligés à l’enfant ? De l’affaire Borlet à l’affaire Nozière, un demi-siècle plus tard, qui verra poser nommément la question des relations incestueuses, mais pour mieux les réfuter, la presse se fait le miroir de son temps, de ses tabous, et de leurs évolutions.
En revenant sur ces deux affaires, cet épisode de Séries Noires à la Une décrypte la manière dont la presse participe de la construction du dicible ou de l’indicible.
Intervenantes
Anne-Emmanuelle Demartini, historienne, professeure d’histoire contemporaine à l’Université Paris 1-Panthéon Sorbonne.
Fabienne Giuliani, historienne, post-doctorante au Centre d’étude des mouvements sociaux (EHESS).
Sommaire
3’55 - L’inceste comme mot dans l’espace public : un tabou anthropologique ?
6’50 - Sexe et morale au XIXe siècle
10’10 - La question du traitement des enfants
14’10 - Comment faire l’histoire d’une question dont le nom est invisible dans les sources ?
16’07 - L’affaire Violette Nozière et l’évolution du tabou de l’inceste
19’56 - La condamnation légale de l’inceste au XIXe siècle
20’50 - La presse contre Violette Nozière
26’09 - L’archétype de l’enfant vicieux
27’56 - L’inceste dans le débat public aujourd’hui
Archives citées
Le Petit Journal, 28 octobre 1891
Le Petit Journal, 10 décembre 1891
Journal officiel de la République française, 1er janvier 1897
Carnet de la semaine, 1er septembre 1933
Le Populaire, 9 octobre 1934